L'examen du segment antérieur
Il est fondamental
L'évaluation de la chambre antérieure
La pathogénie du glaucome nous a montré que le processus anormal se situe dans l’angle irido-cornéen et que, quelque soit le type de glaucome en cause, l’hypertonie oculaire résulte toujours d’une baisse de la résorption de l’humeur aqueuse. Les anomalies d’ouverture de l’angle en sont une cause fréquente et peuvent être en rapport avec des anomalies anatomiques acquises ou congénitales. Il est donc très important de compléter les données de la gonioscopie par des examens complémentaires.
L'évaluation clinique est insuffisante
La cataracte, en diminuant la profondeur de la chambre antérieure et en rendant l’angle irido-cornéen plus étroit, peut rendre la phako-exérèse indispensable au traitement du glaucome. L’examen à la lampe à fente permet d’examiner finement le cristallin dont il réalise une coupe tridimensionnelle, mais seuls les examens complémentaires permettront d’en mesurer l’impact sur la dynamique de l’humeur aqueuse.
L'échographie en mode UBM
L’UBM (Ultrasound Biomicroscopy) réalise une étude échographique du segment antérieur de l’œil et plus précisément de l’angle irido-cornéen. Elle utilise des hautes fréquences de 50 MHz permettant de bien visualiser le corps ciliaire et ses rapports avec le cristallin.. Le recueil des données permet de :
Comprendre le mécanisme en cause : iris plateau, insertion anormale de l’iris, gros cristallin.
Prévoir le geste thérapeutique adapté : iridotomie ou iridoplastie , phacoexérèse, chirurgie filtrante.
Surveiller l’évolution post-thérapeutique : réouverture de l’angle, approfondissement de la chambre antérieure.
L’examen est réalisé sous anesthésie locale sur un patient en décubitus dorsal. Une sonde recouverte de gel est appliquée sur l’œil. La sonde est déplacée pour visualiser toutes les structures de l’angle. Les résultats de l’examen sont visualisés en direct sur un écran, ce qui permet de faire varier aisément les conditions d’examen (plans de coupe, éclairage, …).
L’angle irido-cornéen
Les différentes structures de l’angle irido-cornéen sont identifiées : cornée, iris et chambre antérieure entre les deux, formant un angle aigu dont l’ouverture est mesurée. Suivant l’importance de cette ouverture, on parlera d’angle ouvert, étroit, ou fermé. Un repère crucial est l’éperon scléral qui représente un élément fixe quelque soient les conditions d’examen.
L’échographie dynamique
C’est un élément fondamental de l’examen, qui permet de visualiser les différentes structures dans des conditions différentes d’éclairage, ce que ne permet pas la gonioscopie qui est effectuée avec la lumière constante de la lampe à fente. Ainsi, un angle qui apparait ouvert en photopique (lumière forte) sur le cliché du haut, c’est à dire lorsque la pupille est en myosis, peut se fermer en ambiance scotopique (à l’obscurité) sur le cliché du bas lorsque la pupille se dilate, l’iris se rétractant et venant combler le fond de l’angle. La PIO peut alors monter par à-coups, induisant une altération progressive du nerf optique. C’est la situation typique d’un patient se plaignant de douleurs oculaires intermittentes avec altérations progressives du CV. L’iridotomie est alors indiquée en première intention.
L’iris plateau
Une excellente illustration de l’UBM en mode dynamique est l’iris plateau, première cause de fermeture d’angle chez le sujet jeune. L’aspect anatomique est très caractéristique en UBM, mais rarement aussi bien démonstrative que dans l’exemple choisi. En myosis, l’iris apparait plat et on voit que son implantation sur le corps ciliaire est très anormale avec un épaississement de sa racine ainsi d’ailleurs que le corps ciliaire qui apparait volumineux. En mydriase, l’iris vient combler l’étroit chenal en « bec de flute » qui mène au fond de l’angle, et le trabéculum est alors complètement obstrué.
Les limites de l'examen
L’échographie UBM est une méthode contact, ce qui peut-être un inconvénient sérieux dans nos sociétés qui exigent des précautions sanitaires maximales. D’autre part, elle examine mal les structures en arrière du plan irien.
L'OCT de segment antérieur
La tomographie en cohérence optique (OCT) est une technique d’imagerie complexe qui repose sur les propriétés de diffusion des ondes lumineuses par les tissus biologiques. En réalisant des mesures interférométriques à faible cohérence utilisant des sources lumineuses large-bande, la résolution est de l’ordre du micromètre. Elle réalise une véritable coupe anatomique des structures du segment antérieur de l’oeil, cornée, iris, cristallin et angle irido-cornéen.
Contrairement à l’UBM, c’est une technique sans contact, ne nécessitant aucune préparation particulière. Complexe dans son principe, elle est cependant très simple de réalisation et permet une visualisation de l’angle en temps réel car le temps d’acquisition est très court. Elle réalise, comme pour l’UBM, non seulement une étude morphologique des structures impliquées dans la dynamique de l’humeur aqueuse, mais également des mesures biométriques précises calculées à partir de la position de l’éperon scléral : profondeur de la chambre antérieure, ouverture de l’angle. L’avantage de l’UBM est de mieux préciser ce qui se passe en arrière du plan irien, au niveau du corps ciliaire, car les ondes de l’OCT sont absorbées en partie par les pigments iriens.
Les résultats peuvent être exprimés en tenant compte des mêmes critères anatomiques que l’UBM au niveau de l’angle irido-cornéen (ouverture, anomalies structurelles, …) et de la racine de l’iris en analysant le rôle du cristallin dans un mécanisme de fermeture d’angle. En une seule acquisition, l’appareil est capable d’afficher les coupes de l’angle dans les différents méridiens.
Un angle étroit
Une inversion de la courbure irienne
Commentaires
L’analyse de l’angle iridocornéen (AIC) est une étape incontournable pour le dépistage, le diagnostic et le suivi de patients. Cette analyse de l’AIC sera à répéter car la structure de l’angle est évolutive dans le temps. L’imagerie vient en complément pour comprendre les mécanismes de fermeture de l’angle et adapter la stratégie thérapeutique. Il faut refaire régulièrement la gonioscopie et en particulier devant un glaucome qui se dégrade car cela peut être dû à l’apparition d’un angle étroit et en particulier devant un glaucome étiqueté à pression normale pour la même raison. Enfin l’imagerie a une valeur médicolégale.