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Les mécanismes du glaucome

Dans le glaucome pressionnel

L'hypertonie oculaire

Bien que fréquente et répandue partout dans le monde, elle demeure encore une maladie mal connue se présentant sous différents aspects cliniques ayant tous en commun une anomalie de la pression oculaire, le plus souvent plus élevée que la normale, mais pas toujours de manière très importante.
La valeur moyenne de la pression intraoculaire (PIO) dans la population est de 15 mm Hg (millimètre de mercure). Elle est plus faible chez les jeunes (autour de 10 mm Hg), et a tendance à s’élever chez les personnes âgées. Une pression oculaire supérieure à 21 mm Hg est anormale. L’excès de pression oculaire, en particulier si elle est supérieure à 21 mm Hg, est le principal facteur de risque de développement d’un glaucome. Néanmoins, comme le glaucome se définit par une atteinte du nerf optique et du champ visuel, une pression oculaire élevée n’est pas toujours synonyme de glaucome. Certains sujets peuvent d’ailleurs présenter une pression oculaire supérieure à 21 mm Hg pendant des années sans jamais développer la maladie.

Les conséquences de l'augmentation de la PIO

Elles sont résumées sur les schémas ci-dessous; l’augmentation de la PIO va altérer par un effet mécanique les axones des cellules ganglionnaires de la rétine qui passent au travers de la lame criblée du nerf optique, qui est déformée et excavée. Il s’en suit une dégénérescence secondaire des cellules ganglionnaires elles-mêmes.

Nerf optique normal

Les fibres ganglionnaires de la rétine passent au travers de la lame criblée, devenant myélinisées juste après. Les cellules gliales de la rétine (cellules de Müller) et de la tête du nerf optique (astrocytes et microglie) fonctionnent normalement. Leur rôle est essentiel dans le maintien dans un bon état des cellules visuelles.

Hypertonie oculaire

Une élévation de la pression intraoculaire conduit au stress des cellules ganglionnaires et les cellules gliales deviennent réactives. Des substances toxiques sont sécrétées (tumor necrosis factor) qui s’attaquent aux axones des cellules ganglionnaires, conduisant à leur mort par apoptose (dégénérescence rétrograde). Il s’en suit un amincissement de la couche des fibres visible aux examens, mais à ce stade précoce, aucun changement n’est visible au fond d’oeil.

Excavation papillaire

La lame criblée elle-même est remodelée, elle devient plus fine et se déforme en bombant vers l’arrière avec augmentation visible de l’excavation du nerf optique. C’est une structure relativement rigide qui ne peut pas se déformer sans conséquences sur l’intégrité des fibres visuelles qui peuvent alors dégénérer dans leur totalité, conduisant à la cécité. À ce stade, le champ visuel est anormal, ainsi que l’examen OCT au niveau du nerf optique, du RNFL (Retinal Nerve Fiber Layer), et au niveau du complexe cellulaire ganglionnaire.

(source : Société Française du Glaucome 2011)

L'excavation évolue

L’animation en coupe montre l’aggravation progressive de la déformation de la lame criblée sous l’effet de la pression intraoculaire si elle n’est pas maîtrisée, avec augmentation de l’excavation visible au fond d’oeil .

Les mécanismes d'augmentation de la PIO

Le liquide physiologique qui baigne la chambre antérieure de l’œil, l’humeur aqueuse (HA), est sécrété par le corps ciliaire, en arrière de l’iris. Elle passe à travers la pupille en avant de l’iris pour aller baigner la chambre antérieure. Puis elle est résorbée dans le fond de l’angle iridocornéen, situé entre la face antérieure de l’iris et la face postérieure de la cornée. Nous ne parlons ici que des glaucomes primitifs en excluant toutes les causes secondaires d’augmentation de la PIO (uvéites …).

L'angle irido-cornéen en coupe

Le trabéculum irido-cornéen

Le fond de l’angle iridocornéen est tapissé par le trabéculum, filet aux mailles étroites jouant un rôle de filtre pour l’humeur aqueuse. Elle doit passer à travers cet obstacle plus ou moins perméable pour arriver au niveau de son émonctoire, le canal de Schlemm. La filtration trabéculaire est anormale dans le glaucome primitif, sur laquelle agit le traitement.

Dans le glaucome, l'humeur aqueuse est mal résorbée à travers le trabéculum qui devient un filtre peu perméable.

La circulation de l'humeur aqueuse

Il existe normalement une circulation constante d’humeur aqueuse (HA) entre son lieu de sécrétion, le corps ciliaire, et le fond de l’angle iridocornéen où il est résorbé dans le canal de Schlemm. Elle va ainsi de l’arrière de l’iris vers l’avant de celui-ci au travers de la pupille. Ce schéma est fondamental pour comprendre la classification des glaucomes et le traitement chirurgical.

Les anomalies dans le glaucome

Elles relèvent toujours d’une diminution de la résorption de l’humeur aqueuse au niveau du trabéculum. Tout se passe comme si le trabéculum était un filtre bouché et que l’HA, étant mal résorbée, s’accumulait et faisait monter la PIO. Le trabéculum s’épaissit naturellement avec le temps, et c’est pour cela que la PIO augmente avec l’âge. Mais il peut également s’obstruer si des dépôts inflammatoires, ou du pigment, ou du matériel pseudo-exfoliatif s’accumulent au fond de l’angle (glaucomes secondaires post-uvéitiques, glaucome pigmentaire, glaucome pseudo-exfoliatif). 

On distingue en fonction du degré d’ouverture de l’angle irido-cornéen

  • Glaucome chronique à angle ouvert
    lorsque l’angle est ouvert
  • Glaucome chronique par fermeture de l'angle
    lorsque l’angle est fermé
  • Glaucome aigu
    lorsque l’angle se ferme brutalement

La terminologie actuelle emploie une classification équivalente

  • Glaucome primitif à angle ouvert (GPAO)
    lorsqu’il existe un obstacle trabéculaire
  • Glaucome primitif par fermeture de l'angle (GPFA)
    lorsqu’il existe un obstacle pré-trabéculaire
  • Crise aigue de fermeture de l'angle
    correspondant à un bloc pupillaire

Le terme primitif exprime que l’anomalie de pression intra-oculaire n’est pas la conséquence d’une autre pathologie du globe oculaire. L’appellation « glaucome chronique à angle ouvert » recouvre le GPAO et les causes secondaires avec un angle ouvert : glaucome pigmentaire, glaucome par pseudo-exfoliation, … 

Lire la vidéo

REGARDEZ CETTE VIDEO QUI RESUME LES ANOMALIES DANS LE GLAUCOME
(avec l’aimable autorisation des laboratoires ALCON).

Tous les degrés existent entre un angle grand ouvert où c’est l’obstacle trabéculaire qui joue le rôle principal, et un angle fermé où l’humeur aqueuse n’accède plus au trabéculum (obstacle pré-trabéculaire). Ces anomalies existent dans des proportions variables, chaque composante devra être identifiée et traitée de manière spécifique.

Pour aller plus loin

Nous avons vu la pathogénie du glaucome pressionnel où l’anomalie réside dans la pression intraoculaire qui est trop élevée. Mais les fibres du nerf optique peuvent être altérées de la même façon lorsque le déterminisme des contraintes de cisaillement au niveau de la lame criblée résulte d’autres mécanismes, c’est le concept de gradient de pression translaminaire.

Tête du nerf optique en coupe

Le nerf optique est constitué des axones des cellules ganglionnaires rétiniennes, en traversant la lame criblée, ils passent d’un environnement oculaire à l’espace sous-arachnoïdien. Au niveau de la lame criblée, les axones sont soumis à des contraintes de cisaillement si la lame criblée est déformée d’une part et d’autre part au gradient de pression translaminaire et pas uniquement à la pression intraoculaire.

Au-delà des pressions, l’épaisseur de la lame criblée est un déterminant du gradient de pression dont le calcul est : Gradient de Pression = (PIO-PRL)/ épaisseur de la lame criblée. L’épaisseur normale de la lame criblée est de 458 µm et dans le glaucome avancé, elle s’amincit jusqu’à des valeurs de 201 µm. Dans le glaucome avancé l’épaisseur de la lame criblée s’amincit ce qui explique que le glaucome puisse être évolutif alors que la PIO cible est atteinte. D’où l’importance des traitements précoces avant que l’architecture de la lame criblée finisse par jouer un rôle non maîtrisable. Chez le myope glaucomateux, la lame criblée peut s’amincir à 77 µm, et la biomécanique de la lame criblée et de la sclère adjacente pourrait participer également aux contraintes de cisaillement exercées sur les axones. Le rôle de la pression du liquide céphalospinal ( LCS ou anciennement dénommé céphalorachidien LCR). 
-La pression du liquide rétrolaminaire (PRL) périoptique sous-arachnoïdien est bien corrélée à la pression mesurée en décubitus latéral chez le sujet normal. La pression du LCS est plus basse en cas de glaucome et encore plus basse en cas de GPN. En revanche la pression du LCS est plus élevée en cas d’HTO. Ainsi une pression basse du LCS est un facteur de risque de glaucome et une pression élevée un facteur de protection empêchant la conversion de l’HTO en glaucome. 
-Cependant la pression intraorbitaire joue également un rôle. En position verticale la pression du LCS périoptique est plus basse de la pression lombaire et dans ce cas la pression orbitaire joue un rôle important. 
-En cas d’HTIC il existe un œdème papillaire au fond d’ œil puis une atrophie optique dont la sémiologie campimétrique est semblable à celle des glaucomes et comme dans le glaucome une acuité visuelle longtemps conservée. En revanche dans les neuropathies optiques héréditaires, toxiques et carentielles l’acuité visuelle et la vision des couleurs sont précocement atteintes alors que la vision périphérique est relativement épargnée. On peut se référer aux exemples cliniques cités dans le chapitre « glaucome à pression normale ».

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